Malgré son expérience en médecine familiale et en psychothérapie qui s’étend sur plusieurs décennies, Patricia Barry admet avec modestie qu’elle ne sait pas tout. Assise dans une des pièces douillettes de son bureau inondé par la lumière du midi, elle décrit les énormes avantages de faire partie d’une équipe de soins de santé mentale axés sur la collaboration et parle gracieusement des personnes dont les problèmes excèdent son propre domaine d’expertise.
«Je ne disposais pas de l’information dont j’avais besoin pour offrir le prochain niveau de soins», explique Patricia.
Dans le passé, Patricia aurait été obligée d’acheminer les personnes nécessitant des traitements particuliers à un autre professionnel de la santé. De nombreux Canadiens connaissent le système d’acheminement car ils sont passés d’un expert à l’autre, à un moment ou à un autre, à des fins de diagnostic ou de traitement. Patricia explique: «Dans la plupart des cas, lorsque j’avais des doutes, j’acheminais l’usager parce que je ne voulais pas faire de tort à personne.»
Aujourd’hui, Patricia achemine rarement des usagers et accepte de traiter des problèmes qu’elle n’aurait jamais accepté de traiter autrefois. Elle ne connaît peut-être pas encore tout, mais elle fait maintenant partie d’un réseau qui connaît tout.
Il y a quelques années, un collègue de Patricia lui a demandé de se joindre à une nouvelle initiative appelée «Collaborative Mental Health Care Network» -- un réseau de collaboration formé de professionnels de la santé mentale et de médecins de famille. Les membres du réseau, ayant chacun des compétences et des spécialités particulières, constitueraient une source d’information pour les professionnels concernés de sorte qu’au lieu d’acheminer les usagers, les professionnels pourraient simplement demander conseil auprès d’un associé lorsqu’une situation non familière se présenterait, ce qui en bout de ligne se traduirait par un traitement plus personnalisé et plus approprié pour les usagers.
«Cela me donne l’appui dans la communauté que je n’aurais pas autrement, déclare Patricia. Avant de faire partie de ce réseau, je sentais que j’avais besoin d’aide, ce qui veut dire que je devais déclarer certains cas comme étant une urgence, même si souvent il n’en était pas ainsi, ou faire inscrire un usager sur la liste d’attente d’un psychiatre, ce qui pouvait représenter des mois d’attente pour l’usager.»
Le réseau s’est avéré un énorme soutien pour Patricia lorsqu’elle a du relever ce qui a été manifestement un de ses plus grands défis. Le système judiciaire avait demandé à Patricia si elle accepterait de traiter une jeune personne qui avait été reconnue coupable de pédophilie.
Sa première réaction a été de répondre «non».
«J’ai des opinions bien arrêtées sur le mauvais traitement des enfants », affirme Patricia. Aussi, elle ne croyait pas avoir l’expertise nécessaire dans ce domaine. «Mais tout le monde disait non», explique-t-elle. Patricia savait que si la personne finissait par se trouver dans le système sans traitement, son état se détériorerait probablement.
Patricia a donc décidé d’essayer.
Grâce au réseau, Patricia a été mise en contact avec un spécialiste qui traitait la pédophilie. Elle a travaillé avec l’usager tout en consultant le spécialiste durant le traitement.
Si Patricia a pu aider ou non cette personne, «seul le temps le dira», explique-t-elle. Elle croît cependant que son usager a travaillé fort durant son traitement, et ce dernier dit avoir réussi à prendre en main certains aspects de son problème. Sans l’aide du spécialiste, Patricia croît fermement qu’elle n’aurait pas été en mesure de fournir la thérapie requise.
«Je n’aurais jamais accepté cet usager si je n’avais pas eu le soutien nécessaire, déclare Patricia. Je n’aurais pas voulu le faire et je n’aurais pas pu le faire.»
Dans ce cas, le réseau a fait fonction de liaison en mettant Patricia en contact avec un professionnel qui possédait les compétences qu’elle recherchait. Depuis que Patricia fait partie de ce réseau, celui-ci a aussi servi de remplacement aux solutions traditionnelles en matière de soins de santé mentale, lesquelles taxent souvent le système et ne rendent pas toujours service à la personne cherchant de l’aide.
«Je peux voir comment [les soins axés sur la collaboration] peuvent grandement contribuer à compléter la médecine familiale et à diminuer certaines des pressions exercées sur le système de soins de santé», déclare Patricia.
Et lorsqu’on rend le système plus efficace, c’est l’usager qui en bénéficie le plus en bout de ligne. L’usager reçoit des soins plus personnalisés par l’intermédiaire d’un seul prestataire de soins qui s’est engagé à dispenser des soins appropriés et qui cherchera à trouver des réponses à toutes les questions qui lui sont posées. Ainsi, les usagers bénéficient d’un meilleur accès aux soins dont ils ont besoin et ils sont considérés comme étant au cœur du processus de collaboration.
Le bureau de Patricia Barry est douillet avec tout ce que cela suppose, y compris un pupitre à cylindre antique, des chaises recouvertes d’un tissu à motif floral et un parfum de pot-pourri. Or il ne faut pas croire que le réconfort ainsi créé est synonyme de solitude. Patricia n’est certes pas seule. Elle a toute une équipe de professionnels à qui elle peut faire appel les rares fois où elle ne sait pas tout.
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Photo: Patricia Barry (à droite) avec son adjointe Karen – le premier visage qui accueille les usagers lorsqu’ils entrent dans cette maison de briques rouges remplie d’antiquités, soit le bureau de Patricia Barry.
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